Écosse: Votez Non, défendez des politiques de la classe ouvrière

Submitted by AWL on 22 July, 2013 - 11:17

Le gouvernement du Scottish National Party à Holyrood (siège du parlement écossais) a finalement annoncé la date du référendum sur l'indépendance de l'Écosse pour le 18 septembre 2014.

Toute personne de plus de 16 ans et résidant en Ecosse sera en droit de voter au référendum, dont la question sur le bulletin de vote sera: "Est-ce que l'Écosse devrait être un pays indépendant?"

Certains membres de l'Alliance for Workers Liberty (AWL) préconisent un appel à l'abstention lors du référendum sur la base que le seul choix proposé est une Écosse capitaliste qui fait partie du Royaume-Uni ou une Écosse capitaliste qui est indépendante du Royaume-Uni. La majorité, cependant, favorise un vote pour le «non».

Ce n'est pas parce que nous sommes attachés à la préservation des structures étatiques existantes du Royaume-Uni. Nous soutenons, par exemple, l'abolition de la monarchie, la suppression d'une deuxième chambre non élue, une véritable représentation proportionnelle, et des mécanismes électoraux qui rendent les représentants élus directement responsables devant, et révocables par, leur électorat.

Nous préconisons la création d'une république fédérale, c'est-à-dire une fédération des quatre unités nationales différentes qui constituent actuellement le Royaume-Uni. Ceci impliquerait un transfert massif de pouvoirs du parlement central de Westminster aux quatre parlements "régionaux".

En tant que démocrates cohérents (c'est-à-dire des socialistes qui ne rejetent pas les droits démocratiques comme un concept bourgeois, mais les voient au cœur d'une société socialiste future), nous reconnaissons également le droit du peuple d'Écosse de déterminer sa relation avec les autres peuples du Royaume-Uni.

Bien que les socialistes soient généralement hostiles à l'idée d'un gouvernement par référendum (les référendums sont ouverts à la manipulation par divers moyens), la façon la plus logique pour le peuple écossais de déterminer cette relation est par le biais d'un référendum.

Pourtant, ce référendum a été manipulé. Si un référendum avait lieu demain, il y aurait une majorité écrasante contre l'indépendance. Le retarder pendant 18 mois, et l'organiser à la suite de différents évènements sportifs pour le "bien-être" dont l'Écosse sera l'hôte en 2014, augmentent les chances du SNP d'obtenir un vote majoritaire pour le «oui» .

Le libellé du référendum initialement soutenu par le SNP était: «Acceptez-vous que l'Ecosse devrait être un pays indépendant?" L'opposition généralisée au contenu principal d'une telle question a donné lieu à la version actuelle.

Il y a trois raisons fondamentales pour lesquelles l'AWL favorise un vote pour le «non».

Tout d'abord, l'Écosse n'est pas une nation opprimée, une colonie ou semi-colonie de l'impérialisme britannique qui exige l'indépendance pour se libérer de ce déni des droits démocratiques. Pendant des siècles, l'Écosse a été une partie intégrante non seulement de l'État britannique, mais aussi de l'impérialisme britannique.

(En fait, seuls les éléments les plus marginaux du camp pro-indépendance - qui se trouvent sur son aile gauche - diront que l'Ecosse est une nation opprimée.)

Près de 20% de la population de l'Écosse ne s'indentifie pas elle-même comme étant écossaise. 800.000 Ecossais vivent comme des citoyens égaux dans d'autres parties du Royaume-Uni. Près de 400.000 personnes originaires d'autres régions du Royaume-Uni vivent en Écosse - non pas comme une élite privilégiée métropolitaine, mais, encore une fois, comme des égaux.

Là où il y a une intégration des peuples fondée sur l'égalité et l'absence de coercition dans le cadre d'un seul État, cela n'a aucun sens d'un point de vue socialiste, de prôner la rupture de cet État en petites unités nationales.

Deuxièmement, malgré le fait que le TUC écossais est un organisme indépendant, il existe un mouvement ouvrier britannique intégré qui serait divisée, ou du moins très affaibli, dans le cas de l'indépendance. (Il y a seulement deux syndicats en Écosse qui n'existent pas en Angleterre.)

Certes, le mouvement ouvrier britannique est souvent bureaucratique, routinier, et un foyer pour les carriéristes opportunistes. Mais la raison pour laquelle ce mouvement syndical n'est pas "adapté à l'usage" est enracinée dans l'absence de contrôle de la base militante sur sa direction - pas dans le fait qu'il existe à un niveau pan-britannique.

Également vrai, il y a des syndicats qui s'organisent en fonction des frontières nationales. Mais ils le font parce que ces frontières existent déjà. Il n'y a pas de syndicats qui réclament la création d'une nouvelle frontière nationale afin qu'ils puissent ensuite organiser leurs membres en fonction de cette frontière nationale!

Troisièmement, le référendum porte sur la relation future du peuple écossais avec la majorité du Royaume-Uni.

Ce n'est pas un vote rétrospectif "de non-confiance" dans l'impérialisme britannique, son histoire sanglante, son pillage des ressources de la planète, son asservissement d'un tiers de la population mondiale ...

Ce n'est pas non plus un référendun qui peut être considéré en termes purement négatifs, c'est à dire comme une chance de «briser l'État impérialiste britannique», sans une quelconque considération sérieuse qui soit donnée sur la façon dont un tel démembrement (soi-disant) s'inscrit dans le projet socialiste plus large et le rôle central de la classe ouvrière en tant qu'agence de changement dans ce projet.

Pour certains dans la gauche (principalement autour des restes du Parti Socialiste écossais, les rangs décimés du Socialist Workers Party, et l'International Socialist Group politiquement incohérent), cette marque particulière de "l'anti-impérialisme" est devenu centrale pour leurs raisons de favoriser un vote pour le «oui».

L'AWL s'est toujours opposé à cet "anti-impérialisme" idiot qui est maintenant si répandu dans des sections de la gauche. Nous n'avons pas l'intention de se plier à lui pour déterminer notre attitude à l'égard du référendum en 2014.

Cependant, nos considérations sont loin de la manière dont le débat sur le référendum a été posé par la campagne du "Yes Scotland (Oui à l'Écosse)" contre la campagne du «Better Together (Mieux ensemble)».

"Yes Scotland" est nominalement une campagne inter-partis - elle est soutenue, par exemple, par le Parti vert et le Parti socialiste écossais - mais en grande partie sous le contrôle du SNP.

Son argument pour l'indépendance pourrait être décrit comme des politiques électoralistes au sens large, et avec la reine perchée au sommet.

L'Écosse est un pays riche - qui a une valeur de plus de 1 trillion de livres sterling en réserves de pétrole et de gaz! - Et l'indépendance permettrait que la richesse soit consacrée à la population de l'Écosse plutôt que d'être amassée par Westminster.

Le Trident (programme nucléaire britannique qui fonctionne à partir de l'Écosse NDLT) partirait. La "bedroom tax"(taxe à la chambre vide mise en vigueur le 1er avril 2013 qui augmente les loyers dans les HLM jugés trop grands pour les locataires NDLT) partirait. Mais l'éducation supérieure gratuite, la gratuité des soins pour les personnes âgées, les prescriptions gratuites, les passes d'autobus pour les personnes âgées et beaucoup d'autres choses resteraient gratuits, qui seront bientôt rejoints par encore plus de choses gratuites. (Et par une réduction de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises).

Mais la reine resterait chef de l'État. Et la livre resterait la monnaie. Et la Banque d'Angleterre serait toujours le prêteur en dernier ressort. Et les retraits des réglementations de l'UE mis en place par les conservateurs et les travaillistes (New Labour) continueraient de s'appliquer. Et l'Écosse demeurerait dans l'OTAN. Et dans une «union sociale» avec l'Angleterre. Et dans l'Union Europénne.

Dans cette vision de l'indépendance tout le monde se porte mieux, mais sinon tout reste à peu près le même.

La campagne "Better Together" a plus le caractère d'une véritable campagne inter-partis: elle réunit les travaillistes, les libéraux-démocrates et les conservateurs.

«Better Together» n'a pas pu résister à l'envie de décrire une Écosse indépendante comme un désert industriel, jeté hors de l'UE, privé des contrats de défense britanniques, et avec la majeure partie de sa population réduite à vivre dans des boîtes en carton.

L'argument rationnel pour le maintien du statu quo qu'une telle campagne pourrait avancer - c'est qu'un gouvernement dirigé par Westminster pourrait utiliser les ressources de l'ensemble plus grand que constitue l'État britannique pour redistribuer la richesse et le pouvoir dans le but de créer une société plus juste - est exclu en vertu des éléments constitutifs de la campagne.

Une alliance d'une marque écossaise moderne du New Labour avec les libéraux-démocrates et les conservateurs est intrinsèquement incapable de promouvoir un argument pro-syndical qui remette en cause les inégalités et les injustices.

Dans la mesure où les paramètres du débat sur le référendum sont déterminés par "Yes Scotland" et "Better Together", ce débat n'est pas celui dans lequel les socialistes peuvent avoir quoique ce soit à faire avec n'importe lequel des deux côtés.

Le Mouvement pour l'indépendance radicale, lancée par l'International Socialist Group en novembre dernier, aspire à présenter un argument radical de gauche pour l'indépendance. Ce n'est pas par hasard, il fonctionne comme une version écossaise de Counterfire.

Il a commencé par une grande conférence de lancement avec une grande plate-forme de grands noms de conférenciers et de nombreux ateliers qui ont lancé un programme politique de cinq demandes minimalistes avec lesquelles aucun libéral bien-intentionné ne pourrait être en désaccord avec.

Que le programme appelle à "une alternative sociale à l'inégalité, à l'austérité et à la privatisation» plutôt qu'à une alternative socialiste n'est pas une erreur de frappe.

La conférence est suivie par la mise en place d'assemblées populaires locales pour l'indépendance et le maintien d'un site web tape-à-l'oeil avec quelques articles un peu moins tape-à-l'oeil. (Un article suggère que nous vivons dans une société "gouvernée par les conservateurs qui s'occupent des riches et des intérêts américains."

Et puis il y a la campagne en cours d'exécution par le "Red Paper Collective (Collectif du journal rouge)" (essentiellement un prolongement de la Campagne Écossaise pour le Socialisme menée par la gauche travailliste), qui a le mérite de tenter d'adopter une approche de classe à la question du statut constitutionnel de l'Écosse.

Ils disent que ce qui est nécessaire, c'est une évaluation des pouvoirs qui doivent être transférés à Holyrood, afin qu'il puisse mettre en œuvre un ordre du jour pro-ouvrier. Ceci, à son tour, serait lié à une structure fédérale plus large du gouvernement à travers le Royaume-Uni.

Mais le "Red Paper Collective" est confronté à trois problèmes.

Ce qu'il préconise équivaut à une forme de "décentralisation". Mais ceci n'est pas "proposé" au référendum de l'année prochaine. Le "Red Paper Collective" doit encore défendre explicitement un vote pour le «non», qui est la position logique à adopter si, comme c'est le cas, le référendum est une question directe oui / non.

Son portrait d'une Écosse indépendante tend à être un équivalent de gauche de celui promu par «Better Together».

Et son approche du référendum est fatalement affaiblie par le sentiment anti-UE qui est maintenant la marque de commerce du mouvement ouvrier dominant de gauche en Écosse.

Une Écosse indépendante, soutient le "Red Paper Collective", serait trop petite et trop faible pour résister à l'UE. L'indépendance ne reviendrait guère plus qu'à échanger les règles de Westminster pour les règles de Bruxelles. L'Écosse doit rester au Royaume-Uni afin de mieux résister à l'ennemi réel: les bureaucrates de Bruxelles!

Malgré la domination actuelle du débat sur le référendum par "Yes Scotland" et "Better Together", au cours des 18 prochains mois, les socialistes ont besoin de s'assurer que la voix de la politique indépendante de la classe ouvrière et de l'internationalisme socialiste soit entendue au-dessus de la cacophonie des nationalismes concurrents.


Traduction: Hugo Pouliot

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